14 ans de combat féministe à Angers...
Rédigé par Collectif Emancipation - - 2 commentairesCe n'est pas sans un petit pincement au cœur que nous vous annonçons la fin des activités du Collectif Émancipation en ce début d'année 2022.
14 ans pour un collectif féministe, c'est historique.
A l'époque, être féministe n'était pas vraiment (voire pas du tout) à la mode, mais monter un collectif nous apparaissait déjà comme quelque chose d'indispensable. On sentait qu'il y avait un boulot énorme à faire, alors on s'y est mi.s.e.s.
Et c'est "en 2008 que la volonté conjointe de monter un collectif travaillant sur la question du sexisme et du patriarcat émergeait de la part d'étudiant-e-s et de membres de l'Etincelle (lieu militant associatif et autogéré à Angers)...
C'est alors que se créait le collectif Émancipation, collectif féministe, anti-sexiste et anti-patriarcal, qui s'est inscrit dans la lutte contre le système de domination lié aux rapports de genre*. ".
On a essuyé pas mal de plâtres, de railleries, on s'est faites traiter de "féminazies" un bon paquet de fois, y compris par des personnes sensé.e.s être dans nos rangs.
On a fait avec les moyens du bord qui étaient les nôtres à ce moment-là, avec notre infokiosk de brochures pas toujours bien photocopiées qu'on apportait partout, nos autocollants de travers,...Mais ce qu'on avait en quantité c'est de la colère, de la détermination, et de l'émancipation justement.
On a eu droit à des noms d'oiseaux sympatiques et toujours plus créatifs, les fachos nous appelaient même "les folles décorsetées" et parlaient de nous comme "l'Armée du démon", ce qui n'était pas sans nous flatter bien évidement...
Toujours autofinancées, jamais subventionnées pour garder notre indépendance totale vis-à-vis des institutions, nous avons tout de même réussi à traverser toutes ces années avec pas moins d'une centaine d'activités, dont des projections-débats, des actions dans la rue, des manifestations, des festivals, un ladyfest, des conférences, des fiestas, des ateliers, des concerts, un passage sur france Culture, un article dans le Monde...
On aura travaillé avec des tas de personnes, de collectifs, que l'on salue et remercie. On aura fait la plupart de nos réunions à l'Etincelle.
On aura commencé en mixité, puis basculé en non mixité au bout de 8 ans. Un choix politique que l'on n’a jamais regretté.
On aura parfois été que 3, d'autres fois plus de 10.
On aura eu des prises de bec, des remises en questions, des doutes, des moments de sororité inoubliables, des gros moments de joie, puis des passages à vide, comme dans tout collectif. On aura eu des réunions interminables, de flemmes énormes, des colères et des bonnes grosses rigolades.
Par dessus tout, on aura réussi à garder cette force collective pendant tout ce temps où l'on aura aiguisé collectivement nos armes, nos outils, nos arguments pour les mettre au service de la lutte pour l'émancipation de toutes et tous, et ce contre le système de domination capitaliste contre lequel nous n'avons jamais cessé de lutter.
Parce que c'est bien de cela dont il s'agit :
C'est d'un combat militant et politique, ancré dans l'Histoire, ne pouvant tenir que par la force du collectif et en reconnaissant le droit à la liberté et l'émancipation de toutes et tous. Non pas de prendre plus de pouvoir en écrasant les autres, non pas pour se mettre en valeur afin de récolter on ne sait quel prestige, mais pour renverser ensemble ce système tout pourri qui maintient les minorités la tête sous l'eau, pendant que les autres se dorent la pilule et pètent dans la soie en protégeant leurs privilèges de dominants.
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En fait, quand on y pense, depuis 14 ans, pas mal de choses ont bougé.
Aujourd'hui, on commence à savoir ce que signifie le mot consentement (et les problèmes que l'utilisation de ce mot pose) on dénonce plus facilement les agresseurs sexistes (c'est pas pour autant qu'on est écoutées mais quand même).
Aujourd'hui, le combat féministe a permis de rendre la non mixité plus facile dans nos espaces militants.
Aujourd'hui, on voit fleurir des podcasts accessibles et gratuits, podcasts qui parlent de déconstruction des genres, de non binarité...
Aujourd'hui, même nos tontons connaissent le mot "cisgenre" et "racisé", (ça ne veut pas dire qu'ils savent ce que ça veut dire)...
Aujourd'hui, on peut lire sur les murs de la ville que "non, c'est non".
Aujourd'hui, la contraception est enfin gratuite en france pour les moins de 25 ans
Aujourd'hui les combats féministes rassemblent une pluralité de communautés et permet une lutte féministe plus inclusive.
C'est encourageant, gratifiant.
A la fois, c'est flippant, parce qu'aujourd'hui, le féminisme est aussi devenu tendance.
Comme toute chose devenue tendance, on la retrouve à toutes les sauces.
On peut désormais s'acheter un t-shirt "mon corps mon choix" chez H&M, fabriqué par des femmes exploitées à l'autre bout de la planète, on trouve des événements commerciaux qui s’estampillent "féministes" pour appâter plus facilement de potentielles consommatrices, on voit pulluler des évènements encourageant les femmes à se découvrir des vocations de cheffes d’entreprises, à manager, aujourd'hui, même les rasoirs bic sont féministes. (ouais, ils sont roses).
C'est flippant parce que le capitalisme a parfaitement réussi à récupérer cette lutte, comme il récupère tout ce qui pourrait le détruire pour justement mieux le contrôler.
Aujourd'hui, même l'armée surfe sur le féminisme pour t'enrôler quand tu es une femme...
Aujourd'hui, certaines personnes confondent féminisme et carriérisme au féminin, en font un argument de comm un peu fashion, tentent de rendre le féminisme hype sous prétexte de vouloir le dépoussiérer, le rendre plus attractif.
Conclusion : on se retrouve avec un pseudo féminisme fade et vidé de sens, sans dimension de lutte collective et d’abolition des rapports de domination, qui reprend exactement les codes capitalistes du culte de l'individualité, de la concurrence, du bankable, qui met en avant des individu-e-s plutôt que les idées, qui tourne autour du nombre de likes sur une photo où l'on pose avec son meilleur profil.
Pour nous, le féminisme sans lutte des classes, c'est du développement personnel, et c'est bien triste...
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Le collectif Émancipation s'arrête peut-être là au bout de 14ans, mais ses membres continuent de lutter activement en soutenant ou en s'impliquant dans d'autres espaces féministes locaux, institutionnels ou non, récents ou non, comme :
le Planning familial 49
Collectif He-La (collectif Afro-féministe angevin)
Les colleuses
L'Union syndicale solidaires et les syndicats sud santé, sud educ...
L' Union des Communistes Libertaires
La Bibliothèque féministe Voltairine
le collectif du 8 mars
...
D'ici là, on se retrouve quand même :
- Les 5 et le 8 mars prochain, pour le village féministe au ralliement (infos à venir) et en manifestation avec le collectif du 8 mars pour la Journée internationale de lutte pour les droits des femmes et des minorités de genre
- En mai pour la marche des fiertés à Angers
- Et le 18 juin au Chabada pour la dernière table d'info du collectif, lors de la fiesta de départ de l'Etincelle...
On espère vous retrouver sur chacun des ces moments importants de la vie militante locale. Ensuite ce sera fini pour nous, en attendant on s'organise une fin avec du bruit, des étincelles, une fin qu'on oubliera pas, mais surtout dans la lutte politique féministe !