"L'humanité est l'espèce la plus stupide : c'est la seule où les mâles tuent leurs femelles."
déclarait sur France Inter le 23 octobre dernier Françoise Hériter, qui est décédée la semaine dernière, dans la nuit du jeudi 15 novembre 2017.
C'est une perte pour le monde féministe, tant par la richesse de ses écrits et travaux d'ethnologue que par ses prises de positions militantes qu'ils permettent toujours de soutenir.
Née le 15 novembre 1933 à Veauche dans la Loire, elle quitte sa famille à 21 ans et part pour le Burkina Faso à 23 ans. Lors de ses études en histoire-géo, elle fait la rencontre d'étudiants qui l'amènent vers la philosophie et le courant de pensée structuraliste propre à Claude Lévi-Strauss. Grâce à son travail, elle devient ensuite directrice d'études à l'EHESS, et lui succède en devenant la deuxième femme à enseigner au Collège de France.
Son travail anthropologique reposait sur la question de la domination universelle des hommes sur les femmes à travers différentes sociétés, ce qu'elle a appelé "la valence différentielle des sexes", notion qu'elle développa notamment dans son célèbre ouvrage en deux tomes intitulé Masculin-Féminin I. La Pensée de la différence, Paris, Odile Jacob, 1996 ; que nous vous invitons à consulter si vous voulez en savoir plus car c'est vraiment tout-à-fait passionnant.
Ses recherches initiales sur les liens de filiation, la généalogie et la question de la transmission à travers différents systèmes familiaux l'ont amenée à constater l'universalité des concepts relatifs à l'opposition binaire "masculin-féminin". Elle a aussi noté que certaines notions, comme le chaud, le froid, le dur, le mou, étaient par exemple toujours indexées soit au masculin soit au féminin, selon les sociétés observées, et que cette catégorisation avait une fonction bien précise dans la définition et la préservation de nombreuses normes et valeurs qui régissent une société donnée.
Ainsi, son travail d'anthropologue au sein de différentes sociétés humaines au Burkina Faso (auprès des Samo notamment), en Inde ou dans des sociétés amérindiennes, entre autres, l'a amenée à formuler le constat que les différences physiques entre femmes et hommes ne seraient pas d'ordre biologique, mais seraient le fruit de constructions sociales déterminées par des groupes humains. Ces construction seraient alors le résultat de la volonté universelle des hommes à maîtriser le corps des femmes par différents moyens, volonté née de leur frustration à ne pas pouvoir "reproduire du pareil et du différent", plus clairement à donner naissance à des enfants de même sexe et de sexe différent.
Ainsi, selon Françoise Héritier, cette domination universelle des hommes sur les femmes, puisqu'elle n'est pas "naturelle" mais "construite", peut donc disparaître. En effet, s'il a été possible de la "construire" mentalement au fil du temps, il est donc possible de la "déconstruire" en faisant exactement la gymnastique mentale inverse.
Ceci est l'un des socles de la pensée féministe matérialiste (à laquelle nous nous rattachons) qui, s'opposant à la pensée essentialiste, amène à une possibilité de changement voire d'abolition du système de domination hommes-femmes de la par la non-immuabilité de ses origines.
Françoise Héritier était également membre d'honneur de l'association Femmes & Sciences depuis sa création en 2000, et s'était engagée dans la lutte contre le SIDA en s'impliquant au Conseil national du sidaen 1989, dont elle resta membre jusqu’en 1998.
Pinar Selek est une féministe, anti-militariste et écrivaine turque. Elle est persécutée par l'Etat turc depuis presque 20 ans. Actuellement elle risque une condamnation à perpépuité.
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L’Histoire ne peut être effacée comme on efface une page Web
À ce moment décisif de notre histoire, rappelons-nous que nous toutes et tous qui sommes ici — ces centaines de milliers, voire de millions de femmes, de personnes transgenres, d’hommes et de jeunes —, à la Marche des femmes, représentons les puissantes forces du changement : nous sommes déterminés à empêcher que ces vieilles cultures racistes et hétéro-patriarcales reviennent au devant de la scène. Nous considérons que nous sommes des agents collectifs de l’Histoire et que celle-ci ne peut pas être effacée comme on efface une page Web. Nous savons que nous nous rassemblons cet après-midi sur des terres indigènes et nous suivons l’exemple des peuples des premières nations — qui, malgré la violence génocidaire massive qu’ils ont connue, n’ont jamais renoncé à la lutte pour leur territoire, pour l’eau, pour la culture et pour leur peuple. Nous saluons particulièrement aujourd’hui les Sioux de Standing Rock. Les luttes pour la liberté des Noirs, qui ont façonné la nature même de l’histoire de notre pays, ne peuvent être supprimées d’un simple revers de la main. On ne peut pas nous faire oublier que les vies des Noirs comptent réellement [référence au mouvement Black lives matter, ndlr]. L’histoire même de ce pays est ancrée dans celles de l’esclavagisme et du colonialisme — ce qui implique, qu’on le veuille ou non, que les États-Unis sont une histoire d’immigration et d’esclavage. Propager la xénophobie, crier au meurtre et au viol et construire des murs n’effaceront pas l’Histoire. Aucun être humain n’est illégal.
La lutte pour la planète — contre le dérèglement climatique, pour garantir l’accessibilité à l’eau des terres sioux de Standing Rock, de Flint, du Michigan, de la Cisjordanie et de Gaza, pour sauver notre faune, notre flore et l’air — est le cœur de la lutte pour la justice sociale. Ceci est une Marche des femmes et cette Marche des femmes représente la promesse d’un féminisme qui se bat contre les pouvoirs pernicieux de la violence étatique. Un féminisme inclusif et intersectionnel qui nous invite toutes et tous à rejoindre la résistance face au racisme, à l’islamophobie, à l’antisémitisme, à la misogynie et à l’exploitation capitaliste. Oui, nous saluons la lutte pour un salaire minimum à 15 dollars. Nous nous dédions à la résistance collective. Nous résistons face aux millionnaires qui profitent des taux hypothécaires et face aux agents de la gentrification. Nous résistons face à ceux qui privatisent les soins de santé. Nous résistons face aux attaques contre les musulmans et les migrants. Nous résistons face aux attaques visant les personnes en situation de handicap. Nous résistons face aux violences étatiques perpétrées par la police et par le complexe industrialo-carcéral. Nous résistons face à la violence de genre institutionnelle et intime — en particulier contre les femmes transgenres de couleur.
Lutter pour le droit des femmes, c’est lutter pour les droits humains partout sur la planète ; c’est pourquoi nous disons : liberté et justice pour la Palestine ! Nous célébrons la libération imminente de Chelsea Manning et Oscar López Rivera. Mais nous disons aussi : libérez Leonard Peltier ! Libérez Mumia Abu-Jamal ! Libérez Assata Shakur ! Au cours des prochains mois et des prochaines années, nous serons appelés à intensifier nos demandes de justice sociale, à devenir plus actifs dans notre défense des populations vulnérables. Que ceux qui prônent encore la suprématie de l’homme blanc hétéro-patriarcal se méfient de nous. Les prochains 1 459 jours de l’administration Trump seront 1 459 jours de résistance. Résistance sur le terrain, résistance dans les salles de classe, résistance au travail, résistance par notre art et notre musique. Ceci n’est que le commencement, et, pour reprendre les mots de l’inimitable Ella Baker, « Nous qui croyons en la liberté, nous ne nous reposerons pas avant qu’elle n’advienne ». Je vous remercie.
Kara Wild est une artiste, une camarade et une force de la nature résistante, étant actuellement détenue en France pour sa participation supposée à une manifestation contre des réformes draconiennes concernant le travail [« Loi Travail »] et la répression policière. Elle est une femme trans et est actuellement détenue dans une prison pour hommes et n’a pas accès à des hormones. Elle est également une citoyenne des états-unis et son transfert à été refusé parce que les autorités françaises pensent qu’elle pourrait tenter une évasion lors de celui-ci.
Le 18 mai, des milliers de personnes ont convergé à Paris pour défier le maintien de violence policière et s’opposer à une nouvelle réforme néo-libérale du code du travail. Pendant l’une de ces manifestations une voiture de police à été attaquée et incendiée. Kara à été brutalement arrêtée par rapport à cet incident plus d’une semaine plus tard, le 26 mai, lors d’un autre événement près de la Place de la Nation. En dépit d’un manque de preuve évident, elle à été accusée d’avoir brisé le pare-brise d’une voiture de police quelques instants avant que celle-ci soit incendiée. Les accusations dont elle fait l’objet sont « tentative d’homicide volontaire sur une personne dépositaire de l’autorité publique, destruction de bien, violence de groupe et participation dans un groupe armé et masqué. »
Kara fait partie des 6 personnes étant actuellement accusées par rapport à cet incident. Pour faire empirer les choses, le premier ministre français, Manuel Valls promet d’appliquer une « sanction implacable », de manière à en faire un exemple et à démobiliser les manifestations.
En dépit des attaques de l’état, les mouvements globaux contre le capitalisme, la suprématie blanche, le patriarcat hétéro-sexiste et l’austérité deviennent plus forts chaque jour, de Paris à Oaxaca. Comme les flammes de la résistance se multiplient cet été, ne laissez pas vos amiEs derrière ! S’il vous plaît, aidez-nous à soutenir Kara Wild en lui écrivant, en faisant des dons pour son fond de défense, et faîtes passer le mot concernant son affaire.
Liberté pour touTEs les prisonnieEs politiques ! Liberté pour touTEs les femmes trans prisonnières ! Liberté pour touTEs les prisonnierEs
Site de soutien à Kara Wild (duquel est issu ce texte)
La restriction de l'accès à l'IVG en Espagne, appelée loi de « protection de la vie du conçu et du droit de la femme enceinte », marque un énorme recul dans l'acquisition du droit des femmes à disposer de leur corps en proposant seulement 3 cas d'avortement légal : le risque pour la santé physique ou psychiques de la mère, le viol (à condition qu'une plainte ait été déposée), la malformation fœtale. Tout ça certifié par un médecin, psychiatre ou par la police. L'autorisation des parents pour les mineures devient également obligatoire. Le choix des femmes se retrouve alors à la merci du contrôle médical et social. Dans quelle société un tel droit acquis depuis déjà 1975 en France, 1985 en Espagne peut aujourd'hui être remis en question ? Dans une société conservatrice et réactionnaire. Plus que remis en question, le droit à l'IVG est complètement bafoué. Nous pourrions presque reprendre les tracts des années 70 ou réclamer la grève des ventres à l'image de certaines féministes des années 20. Ce que certaines en Espagne imitent déjà en invitant à faire la grève de l'utérus.
À celles-ceux qui se réjouissent de ne pas vivre en Espagne, ravalez votre enthousiasme. Rappelons que dimanche dernier à Paris, environ 16000 personnes dont de nombreuses grenouilles de bénitier, se sont rassemblées autour d'idées nauséabondes en exprimant leur position anti-avortement. Mais les intégrismes religieux ne sont les seuls à manifester leur volonté de soumettre les femmes à la maternité. Rien d'étonnant non plus d'apprendre que la droite, en France aussi, s'oppose au choix des femmes au nom de l'ordre moral en proposant de dérembourser l'IVG. Le refus de la droite de remplacer « en détresse » par « qui ne souhaite pas poursuivre sa grossesse » dans le texte de loi concernant l 'IVG est encore une preuve de l'infantilisation des femmes et du mépris à l'égard de leur choix vis à vis de leur propre corps. N'oublions pas non plus toutes les fermetures de centres IVG depuis quelques années. Il y a de nombreuses années, on pouvait entendre « notre corps nous appartient », visiblement ce n'est toujours pas le cas...
Le constat est dramatique, la situation en Espagne nous rappelle que les droits des femmes ne sont jamais véritablement acquis. Cela révèle la difficulté de certains pays, gouvernements, individu-e-s à accepter une véritable émancipation des femmes. Les femmes qui ne se retrouveront dans aucune des situations « proposées » en Espagne viendront logiquement en France ou ailleurs pour avorter, prolongeant les délais d'attente parfois déjà trop longs, iront vers des avortements clandestins ou encore vers des maternités non désirées... Que demander de plus en terme d'aliénation à son propre corps ? Notre sexe et le statut qui va avec selon les normes genrées nous sont violemment rappelées.
Si nous sommes convaincu-e-s que les sociétés dans lesquelles nous vivons sont patriarcales, réactionnaires et conservatrices, nous sommes aussi convaincu-e-s que des milliers de femmes peuvent se rassembler pour lutter pour leurs droits. Nous exprimons toute notre solidarité avec les femmes d'Espagne.
Après l’Espagne il y 2 ans, c’est maintenant la Pologne qui remet en question le droit à l’avortement (A quand la France ?). Actuellement, le droit à l’avortement en Pologne est déjà l’un des plus restrictifs d’Europe ( autorisé seulement en cas de grossesse suite à un viol ou s'il y a des risques de santé pour la femme enceinte ou pathologie de l'embryon), ce qui rend déjà l'accès à l'IVG très compliqué. Visiblement ce n’était pas assez restrictif pour l’extrême droite et la frange la plus conservatrice qui a pondu un projet de loi visant à rendre l’accès à l’Interruption Volontaire de Grossesse impossible dans ce pays.
Le nouveau projet de loi va aggraver les conditions déjà très restrictives :
Les femmes victimes de viol et les mineures seraient obligées de poursuivre la grossesse non-désirée
Les femmes mises en danger de mort par leur grossesse n’auront pas de possibilité légale d’y mettre terme
Une fausse couche pourra être pénalisée et le « meurtre fœtal » entrerait dans le code pénal
L’Etat aura le droit d’outrepasser les droits constitutionnels d’une personne pour protéger un « enfant non-né »
Les tests prénataux amenant à un risque faible de fausse couche, seront interdits et les médecins qui les pratiquent pourront être poursuivis au pénal
La pilule du lendemain sera considérée comme un avortement précoce et sera donc totalement interdite